Révision CM8 : Biotechnologies en agroalimentaire
Ce cours aborde les biotechnologies appliquées à différents secteurs agroalimentaires : la boulangerie, la production laitière et fromagère, la charcuterie, ainsi que la biosynthèse enzymatique de composés aromatiques. L’objectif est de comprendre comment les micro-organismes et les enzymes sont exploités pour transformer les matières premières, améliorer la qualité des produits, et développer des saveurs spécifiques.
1. Biotechnologies en boulangerie : levures et fermentation
La fabrication du pain repose essentiellement sur la fermentation réalisée par des levures, notamment Saccharomyces cerevisiae. Ces micro-organismes métabolisent les sucres présents dans la pâte pour produire du dioxyde de carbone ([Formule]) et de l’éthanol, ce qui permet la levée de la pâte.
Substrats et conditions de fermentation
- Les levures utilisent des sucres simples (glucose, fructose) et des sucres issus de l’amylolyse (maltose).
- L’ajout de saccharose peut accélérer la fermentation, à condition que sa concentration reste inférieure à 4-5 % pour éviter un effet inhibiteur.
- La souche de levure influence fortement la capacité fermentaire.
- Les levures consomment aussi des acides aminés issus des protéines de la farine pour leurs besoins azotés.
- Un apport en acide phosphorique, sels d’ammonium, cations et vitamines est nécessaire pour optimiser leur activité.
- La fermentation est optimale dans un pH compris entre 4 et 6, et à une température contrôlée par le boulanger.
Interactions microbiennes
- La levure coexiste avec des bactéries lactiques dans la pâte, certaines symbioses favorisant la production de [Formule].
- La concentration de levures dans la pâte est très élevée, environ [Formule] à [Formule] cellules/g, bien supérieure à celle des levures sauvages ou bactéries lactiques.
Formes commerciales de levure
- La levure pressée est la plus utilisée.
- Deux types de levure sèche active : à réhydrater et instantanée.
- Certaines souches produisent du glutathion, un tripeptide améliorant l’extensibilité de la pâte, facilitant le façonnage (exemple : pizzas).
Ces biotechnologies permettent d’optimiser la fermentation et la qualité du pain tout en respectant les contraintes technologiques (@docDiapos du 24_11_25.pdf).
2. Biotechnologies et production laitière : du lait au fromage
Composition et structure du lait
Le lait est une suspension colloïdale complexe, majoritairement composée d’eau (905 g/L), dans laquelle sont dispersées :
- Des micelles de caséines (particules solides colloïdales),
- Des gouttelettes de matières grasses sous forme d’émulsion.
| Composant | Concentration (g/L) |
|---|
| Eau | 905 |
| Lactose (sucre) | 49 |
| Matières grasses | 35 |
| Protéines totales | 34 |
| - Caséine | 27 |
| - Protéines solubles | 5,5 |
| - Autres | 1,5 |
| Sels minéraux | 9 |
Le lait est donc une suspension de matières grasses et protéiques dans le lactosérum.
Coagulation du lait et fabrication du fromage
La transformation du lait en fromage repose sur la coagulation des caséines, qui peut être obtenue par deux mécanismes principaux :
Coagulation lactique
- Les micelles de caséines et globules gras portent des charges négatives, créant une répulsion électrostatique stabilisant la suspension.
- Les bactéries lactiques fermentent le lactose en acide lactique, qui neutralise ces charges négatives.
- À un pH de 4,6 (point isoélectrique de la caséine), la neutralité des charges provoque la déshydratation, le rapprochement et la précipitation des micelles.
- La rupture des ponts phosphate-calcium entraîne la précipitation des caséines.
Coagulation par présure
- La présure contient la chymosine, une enzyme qui clive la caséine kappa.
- Cette coupure libère un peptide hydrophile soluble (CMP) et une para-caséine hydrophobe qui précipite.
- Les micelles se réarrangent en piégeant bactéries et globules gras, formant le caillé, base du fromage.
Affinage et rôle des microorganismes
- Le caillé est salé et ensemencé avec des spores de champignons (ex. Penicillium roqueforti pour le Roquefort).
- Pendant l’affinage, levures et champignons consomment l’acide lactique, réalisent protéolyse et lipolyse, contribuant à la maturation et au développement des arômes.
- Le Roquefort est percé pour permettre la circulation de l’air, favorisant le développement des moisissures.
@docDiapos du 24_11_25.pdf
3. Biotechnologies et fromages spécifiques : le Camembert
Le Camembert illustre la complexité des biotechnologies fromagères, avec une croûte fleurie caractéristique due à la colonisation par Penicillium camemberti.
Fabrication du Camembert
- Coagulation du lait par ferments lactiques et présure.
- Moulage dans des moules perforés pour un égouttage lent.
- Salage et séchage en hâloir.
- Ensemencement de la surface par pulvérisation de Penicillium camemberti.
Développement microbien pendant l’affinage
- Les levures et champignons se développent en surface, atteignant environ [Formule] cellules/g vers le 10ᵉ jour, puis diminuent à [Formule]/g en fin d’affinage.
- La population microbienne dans la pâte est 100 fois moins abondante qu’en surface.
- L’affinage progresse de l’extérieur vers l’intérieur, expliquant la présence d’un liséré clair au cœur, correspondant à du caillé non fermenté.
Ces micro-organismes réalisent la consommation d’acide lactique, la protéolyse et la lipolyse, contribuant à la texture et aux arômes caractéristiques du Camembert (@docDiapos du 24_11_25.pdf).
4. Biotechnologies et fermentation en charcuterie et agroalimentaire
Salaison et conservation des produits carnés
La salaison est une technique traditionnelle de conservation des viandes, reposant sur :
- Le sel, qui piège l’eau et exerce une action bactériostatique ou bactéricide.
- Deux méthodes : salaison à sec et saumurage.
- La conservation peut être à température ambiante ou en réfrigération selon l’humidité résiduelle.
Rôle des nitrites
- Le salpêtre (nitrate) était utilisé historiquement, mais ce sont les nitrites qui assurent une meilleure conservation.
- Depuis les années 1960, les nitrites sont ajoutés en faible dose dans les charcuteries.
- Ils empêchent le développement de bactéries pathogènes (ex. Clostridium botulinum), stabilisent la couleur en transformant la myoglobine, et attendrissent les tissus conjonctifs.
Fumage et maturation
- Le fumage apporte des composés bactéricides qui inhibent les microorganismes indésirables et confèrent un goût caractéristique.
- Des moisissures et levures se développent à la surface des pièces fermentées, contribuant à l’aromatisation, au séchage, à la maturation, au développement de la couleur et à la prévention du rancissement.
Fermentation du cacao
La fermentation du cacao est un exemple clé de fermentation naturelle en agroalimentaire :
- Les fèves, entourées d’une pulpe mucilagineuse riche en sucres et acide citrique, fermentent pendant 2 à 9 jours.
- Succession de micro-organismes :
- Levures (Saccharomyces, Hansenula, Pichia) produisent de l’éthanol.
- Bactéries (Acetobacter) produisent de l’acide acétique.
- Ce processus réduit la caféine, les sucres réducteurs et les tanins, tout en favorisant la formation des précurseurs d’arôme.
Fermentation de la vanille
- Les gousses vertes, amères et sans parfum, sont échaudées puis fermentées lentement (~4 mois).
- La fermentation enzymatique développe la vanilline, principal composé aromatique.
- En raison du coût élevé, la vanilline de synthèse ou l’éthylvanilline sont souvent utilisées comme substituts.
Ces fermentations illustrent la maîtrise des micro-organismes pour créer des produits aux qualités organoleptiques recherchées (@docDiapos du 24_11_25.pdf).
5. Biosynthèse enzymatique de la vanilline : une innovation durable
La vanilline peut être produite par biosynthèse enzymatique, une alternative durable à la synthèse chimique classique.
Production à partir du recyclage du PET
- Des chercheurs ont exploité la dépolymérisation enzymatique du polyéthylène téréphtalate (PET), un plastique courant.
- Le PET est dégradé en monoéthylène glycol et acide téréphtalique.
- Une souche génétiquement modifiée d’Escherichia coli convertit l’acide téréphtalique en vanilline.
- Après optimisation, 79 % de l’acide téréphtalique est transformé, avec un rendement 157 fois supérieur aux conditions initiales.
Cette méthode valorise les déchets plastiques en molécules à haute valeur ajoutée, réduisant l’impact environnemental de la production de vanilline ().
Conclusion : points clés à retenir
- Levures en boulangerie : maîtrise des conditions (substrats, pH, température) pour optimiser la fermentation et la qualité du pain.
- Lait et fromage : coagulation des caséines par acidification ou présure, suivie d’un affinage microbien complexe qui développe saveurs et textures.
- Fromages spécifiques : le Camembert illustre l’importance des champignons et levures dans la maturation et la formation de la croûte.
- Charcuterie et fermentation : salage, fumage, et fermentation microbienne assurent conservation, sécurité et développement aromatique.
- Fermentations naturelles : cacao et vanille montrent l’importance des micro-organismes dans la création d’arômes complexes.
- Biosynthèse enzymatique : innovation durable pour produire des composés aromatiques à partir de déchets plastiques, conciliant biotechnologie et écologie.
Ce panorama des biotechnologies agroalimentaires met en lumière l’exploitation raisonnée du vivant pour transformer les matières premières, garantir la sécurité alimentaire, et enrichir la diversité gustative des produits.