Fiche de Révision Complète – Droit Constitutionnel
Introduction Générale au Droit Constitutionnel
§1) La substance du droit constitutionnel
Qu’est-ce que le droit constitutionnel ?
Le droit constitutionnel est un droit politique qui régit la vie en société, en organisant les rapports entre les pouvoirs publics et en garantissant les libertés.
- Droit politique : en grec, polis signifie cité — le droit constitutionnel régule la cité, autrement dit la vie politique.
- Droit public : s’oppose au droit privé, il concerne les personnes publiques (État, collectivités), alors que le droit privé concerne les personnes physiques et morales (entreprises, associations).
- La Constitution organise la politique et encadre les autorités (ex : nomination/démission du Premier ministre).
- C’est un droit vivant, évolutif, très lié à l’actualité et à la pratique politique — il existe autant dans les textes que dans les usages.
Fonctions du droit constitutionnel
- Fonction d’organisation : il établit les règles du jeu pour distribuer le pouvoir politique (qui fait quoi ?).
- Fonction de protection : il garantit les droits et libertés fondamentaux (ex : liberté d’expression, droit de propriété).
- Fonction symbolique : il sert à identifier la nation librement — en France, la Constitution fixe par exemple la devise, le drapeau, les symboles.
Distinction large
| Discipline | Objet | Approche |
|---|
| Science politique | Étude de la politique telle qu’elle est | Descriptif, empirique |
| Droit constitutionnel | Étude de la politique telle qu’elle devrait être | Normatif, prescriptif |
Il faut adopter une neutralité scientifique dans le droit constitutionnel, raisonner en juriste sans biais politique.
§2) Enjeux et importance du droit constitutionnel
- Enjeu majeur : déterminer la nature du régime politique (démocratie, dictature, régime totalitaire).
- Conciliation entre autorité et liberté : difficile équilibre entre la puissance publique et les droits individuels.
- Impact national : une mauvaise Constitution peut conduire à l’instabilité, à l’anarchie (citation de Guy Carcassonne).
La Constitution crée les conditions du bonheur collectif sans garantir le bonheur lui-même.
§3) Importance politique, juridique et professionnelle
- Le droit constitutionnel encadre la vie politique : « la politique saisie par le droit » (Louis Favoreu)
- Le Conseil constitutionnel, juge suprême de la Constitution, contrôle la conformité des lois.
- La Constitution s’impose à toutes les normes : lois, décrets, règlements, contrats…
- Constitutionnalisation du droit : tous les domaines juridiques sont influencés par la Constitution.
- Importance professionnelle : maîtriser le droit constitutionnel est essentiel pour comprendre et exercer dans les institutions publiques.
§4) La formation du droit constitutionnel
Le pouvoir, phénomène intemporel
- Toute société a un pouvoir (dominant/dominé).
- S’institutionnaliser = formaliser le pouvoir avec des institutions.
- Les coutumes (règles non écrites) jouaient un rôle avant les constitutions écrites.
Émergence des premières constitutions écrites
- Constitution américaine de 1787 : première Constitution écrite et toujours en vigueur.
- Suivi par la Pologne (1791), la France (1791).
- Ce mouvement est appelé constitutionnalisme : volonté d’écrire le pouvoir, de le limiter, de protéger les libertés.
- La diffusion s’est accélérée au XIXe et XXe siècles (Guerres napoléoniennes, Révolutions, décolonisation, chute du Mur de Berlin).
Limites du constitutionnalisme
- Pas tous les États ont une Constitution formelle (ex : Royaume-Uni, Israël).
- Certaines constitutions ne sont pas appliquées ou respectées (ex : Somalie, Haïti).
- Décalage entre texte écrit et réalité politique.
§5) Le droit constitutionnel aujourd’hui
- Ambiguïté entre droit, politique, et justice constitutionnelle.
- Multiplication de décisions judiciaires qui encadrent le pouvoir politique.
- Juridisation : le droit constitutionnel devient plus technique et sérieux mais instrumentalisé parfois à des fins politiques.
- Crise actuelle de la démocratie met en question la solidité des constitutions (ex : administration Trump, montée partis populistes).
- Nécessité de protéger et défendre les acquis constitutionnels.
Première partie : Le droit constitutionnel général
Titre 1 : Les fondements du droit constitutionnel
Chapitre 1 : La Constitution
Section 1 : La double notion de Constitution
- Formelle (procédurale) : définie par la procédure rigide et spéciale d’adoption et de révision.
- Matérielle (substantielle) : définie par le contenu — organisation des pouvoirs, droits, libertés.
La Constitution est à la fois un contenant (forme) et un contenu (fond).
§1) Notion matérielle de Constitution
- Elle comprend :
- Les institutions politiques (qui détient le pouvoir, modalités, séparation…)
- Les normes de production des règles (comment sont adoptées les lois fondamentales).
- Les libertés et droits fondamentaux garantis.
- Article 16 de la DDHC :
_« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution »._
- Sources variées :
- La Constitution écrite (texte principal).
- Traités internationaux (CEDH)…
- Lois organiques (précisent la Constitution).
- Lois ordinaires.
- Règlements (décrets, arrêtés).
§2) Notion formelle de Constitution
- Texte soumis à une procédure d’adoption plus stricte que la loi (ex : référendum, majorité qualifiée au Congrès).
- Valeur suprême de la Constitution, source fondamentale du droit.
- Norme supérieure qui domine l’ensemble du système juridico-politique.
§3) Articulation entre formes matérielle et formelle
- Existence de normes constitutionnelles matérielles hors texte formel et inversement.
- Exemple d’amendement américain "prohibition" entre 1919-1933 : constitutionnel formellement mais sans contenu constitutionnel.
- Notion de coutume constitutionnelle au Royaume-Uni (constitution mixte) — règles non écrites, conventions politiques acceptées.
§4) Cas de la France
- Définition formelle privilégiée (article 61 Constitution 1958).
- La Constitution désigne l’ensemble des normes de valeur supérieure adoptées/revisées suivant une procédure spéciale.
- Certaines coutumes et usages politiques occidentaux importants, mais non juridiquement contraignants.
- Textes complémentaires : DDHC, préambule de la Constitution de 1946, charte de l’environnement.
Section 2 : La confection de la Constitution
§1) Élaboration de la Constitution : le pouvoir constituant
- Pouvoir constituant = pouvoir de faire la Constitution.
- Distinction :
- Pouvoir constituant originaire (première rédaction).
- Pouvoir constituant dérivé (révision).
- Pouvoir originaire est théoriquement illimité (souverain) — mais contraintes internationales parfois fortes (ex Japon post WW2).
§2) Modes d’élaboration
| Mode | Qui élabore | Adoption | Exemples |
|---|
| Autoritaire | Pouvoir exécutif seul | Octroi/contrat | Louis XVIII, Monarchie de Juillet |
| Démocratique | Peuple/représentants | Référendum/Assemblée | France 1946, Suisse (référendum populaire) |
- Démocratie directe ou semi-directe possible.
§3) Révision constitutionnelle
- Pouvoir constituant dérivé limité par procédures définies (ex méthodes strictes de l’article 89 C 1958).
- Certaines limites matérielles (ex forme républicaine non modifiable).
- Dualité entre souveraineté et limites.
- Double révision : contourner limites formelles.
- Constitution rigide > Constitution souple (UK).
- Importance du rôle et place du peuple dans la révision (souvent limitée).
Section 3 : L’autorité particulière de la Constitution
§1) Hiérarchie des normes
- Hans Kelsen : Normativisme et pyramide des normes
- Norme supérieure conditionne production de norme inférieure :
- Constitution > traités > lois > règlements.
- Article 54 C : traités ne doivent pas contrevenir à la Constitution.
- Article 55 C : traités ont autorité supérieure aux lois.
- En droit international : primauté du droit international et droit européen contestée mais en dialogue permanent.
§2) Le contrôle de constitutionnalité
- Nécessité de garantir que les normes infra-constitutionnelles respectent la Constitution.
- Légitimité contestée car pouvoir judiciaire contrôle la volonté politique, équilibres démocratiques.
- Distinction entre création de droit par le juge (interprétation) versus jurisprudence politique (intervention du juge dans la sphère politique).
- Modèles :
- Modèle américain (contrôle diffus, concret, a posteriori, contrôle par voie d’exception).
- Modèle européen (contrôle concentré, a priori, contrôle abstrait et erga omnes).
- Réalité : convergence et hybridation des modèles.
- Évolution vers démocratisation du contrôle constitutionnel par la procédure QPC (France).
[Diagramme]
Chapitre 2 : La souveraineté
§1) Identification du titulaire de la souveraineté
- Souveraineté = pouvoir suprême au sein de l’État.
- Deux concepts proches mais distincts :
- Souveraineté nationale (la Nation est titulaire) — entité abstraite, collective, représentation par mandat représentatif, démocratie représentative, suffrage censitaire, sortie de la démocratie directe.
- Souveraineté populaire (le Peuple est titulaire) — individu concret, souveraineté exercée directement ou par mandat impératif, démocratie semi-directe et universelle.
Art 3 DDHC : « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation » — premières constitutions insistent sur la nation.
Mais après 2 ans, confusion avec le peuple : « la souveraineté appartient au peuple français » (ex C 1946, C 1958) — mélange les deux notions.
§2) Caractéristiques de la souveraineté : affirmation et remises en cause
- Classique (Jean Bodin) : souveraineté = indivisible, absolue, perpétuelle.
- Caractéristiques initiales :
- Indivisible : une seule souveraineté dans un État.
- Illimitée : pouvoir sans limites.
- Remises en cause :
- Indivisibilité contestée par fédéralisme, décentralisation, UE…
- Illimitation contestée par saisie du pouvoir des juges constitutionnels, transfert de souveraineté à des institutions supra-étatiques.
Partage ou transfert de souveraineté
- Internes : États fédéraux, décentralisation territoriale, collectivités autonomes.
- Externes : traité de Maastricht, monnaie unique, transferts compétences à l’UE.
- États restent souverains de la compétence de leurs compétences (formule Jellinek).
- Possibilité de retour en arrière (Brexit).
Chapitre 3 : L’État
§1) Notion d’État
- Institution centrale en droit public et constitutionnel.
- 2 dimensions :
- Externe (sujet de droit international).
- Interne (personne morale souveraine).
Éléments constitutifs (Carré de Malberg)
| Élément | Définition |
|---|
| Territoire | Espace géographique (sol, maritime, aérien) |
| Population | Ensemble des individus sur le territoire (nationaux & étrangers) |
| Gouvernement | Autorité politique organisée, légitime, souveraine |
§2) Attributs de l’État
- Personnalité morale : sujet de droit avec droits et obligations, droit public.
- Souveraineté : externe (égalité des États), interne (monopole de la contrainte légitime).
- Pouvoir organisé et exclusif.
§3) État, droit et société
- Relation dialectique : l’État crée le droit et est lui-même soumis au droit.
- Juste naturalisme : droit supérieur, universel, transcendant (fondements moraux ou divins).
- Positivisme : seul droit positif reconnu.
- Évolution vers un État de droit : état soumis à un droit respectant les libertés fondamentales, avec justice indépendante.
§4) Origine de l’État
- Théories :
- Naturelle (Aristote, homme animal politique).
- Contrat social (Hobbes, Locke, Rousseau) : soumission volontaire.
- État construit historiquement par consolidation progressive de l’autorité politique.
Chapitre 4 : Les formes de l’État
§1) L’État unitaire
- Un seul ordre juridique et politique.
- Peut être :
- Centralisé : pas d’autorité locale élue (X collectivités territoriales).
- Décentralisé : transfert de compétences à collectivités territoriales (ex : communes, départements, régions).
- La décentralisation suppose un pouvoir local élu et autonome, soumis à un contrôle de tutelle.
§2) L’État régional
- Cas intermédiaire entre unitaire et fédéral.
- Certaines régions ont des pouvoirs législatifs, statut spécial (ex Italie, Espagne).
- Dévolution : transfert important vers régions (ex : UK).
§3) L’État fédéral
- Association d’États fédérés dotés de leur propre constitution.
- Principes clés :
- Superposition des ordres juridiques et politiques.
- Autonomie des États fédérés (compétences propres garantis).
- Participation des États fédérés aux décisions fédérales (législatif, exécutif).
- Différence avec la Confédération (simple alliance d’États) et fédération (forme intermédiaire).
- États fédérés n’ont pas la souveraineté externe, unique à l’État fédéral.
Graphique Mermaid : Synthèse formes de l’État
[Diagramme]
Conclusion
La compréhension approfondie du droit constitutionnel nécessite d’intégrer la diversité des théories, des pratiques et des évolutions politiques et juridiques. Ce domaine est à la fois fondamentalement politique, parce qu’il régule le pouvoir, et juridique, parce qu’il impose des règles et limites aux acteurs du pouvoir.
Exemple concret : Le Conseil constitutionnel français
- Contrôle a priori traditionnel jusqu’en 2008.
- Introduction de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) permettant un contrôle a posteriori porté par un justiciable.
- Exige une procédure rigoureuse de révision constitutionnelle (référendum ou majorité des 3/5èmes).
- Protection de droits fondamentaux (ex : droit de propriété, liberté d’expression).
- Exemple d’annulation partielle d’une loi relative aux narco-trafics pour non-respect des libertés fondamentales.
Conseils pratiques pour réussir
- Assiduité et prise de notes active : privilégier l’essentiel en écoutant, compléter à la maison.
- Préparation régulière et travail intensif : apprendre, relire les fiches de TD, résumer les documents.
- Exercices de méthode : dissertation, commentaire de texte.
- Avoir un point de vue argumenté et un regard critique.
- S’équiper d’un bon dictionnaire juridique (Dalloz), ouvrages de méthodologie, manuel du cours.
- Suivre l’actualité, faire le lien entre droit constitutionnel et événements contemporains.
Glossaire des concepts clés
| Terme | Définition |
|---|
| Constitution | Ensemble des règles fondamentales organisant le pouvoir politique et garantissant les droits (forme et fond). |
| Pouvoir constituant | Pouvoir de rédiger ou réviser la Constitution (origine ou dérivé). |
| Souveraineté | Pouvoir suprême unique d’un État sur son territoire (interne et externe). |
| État de droit | État où le pouvoir est soumis au droit, garantissant les libertés fondamentales. |
| Contrôle de constitutionnalité | Vérification par un juge de la conformité des normes inférieures à la Constitution. |
| Décentralisation | Transfert de compétences de l’État vers des collectivités territoriales dotées d’une autonomie. |
| État fédéral | Association d’États fédérés dotés de leur propre constitution et partageant la souveraineté avec un État central. |
| Doctrine constitutionnelle | Corps d’idées et de principes expliquant et justifiant la Constitution et la souveraineté (ex : Bodin, Rousseau). |
Références bibliographiques recommandées
- Guy Carcassonne, Droit constitutionnel.
- Louis Favoreu, La politique saisie par le droit.
- Hans Kelsen, Théorie pure du droit.
- Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation ?
- Abbé Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers État ?
- DDHC (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 1789).
- Constitution française de 1958.
Fin de la fiche
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