Chapitre 3 : Dogmes, cultes et croyances de l'Islam

Ce chapitre explore les fondements doctrinaux, les pratiques rituelles, les interdits, ainsi que les rites qui jalonnent les étapes de la vie dans l'islam. Il met en lumière la richesse et la diversité de cette religion, en insistant sur son rapport à Dieu, ses règles sociales, et les différentes interprétations qui en découlent. Nous aborderons également les principaux courants religieux et le rôle du personnel religieux dans le monde musulman.

I. Message de l'Islam : Fondements doctrinaux

L'islam se caractérise par une religion de l'intention, centrée sur la relation personnelle entre le croyant et Dieu. Cette approche explique la pluralité des écoles juridiques (fiqh) et des interprétations.

Trois piliers doctrinaux essentiels

1. Dieu unique (Tawhîd)

   • Rejet total du polythéisme.
   • Dieu est miséricordieux et transcendant.
   • Il est honoré par des êtres spirituels :
     • Les anges (malakya), créateurs et messagers.
     • Les djinns, créatures invisibles, qui seront ressuscités au Jour du Jugement.

2. Respect des prophètes

   • Reconnaissance des figures bibliques : Noé (Nûh), Abraham (Ibrahîm), Moïse (Mûsa), Jésus (Isâ).
   • Chaque prophète est associé à un texte sacré ou un lieu :
     • Abraham à la Ka'aba.
     • Moïse à la Thora.
     • Jésus aux Évangiles, avec une dimension eschatologique.
   • Muhammad est le « sceau des prophètes », le dernier messager.

3. Foi dans le Jugement dernier

   • Insistance sur les sourates révélées à La Mecque, centrées sur la résurrection.
   • Croyance au paradis (jannah) et à l'enfer (jahannam).
   • Retour attendu d'Isâ (Jésus) en tant que Messie (Masih).
   • Venue du Mahdi, le Sauveur attendu.

Cette base doctrinale est commune à tous les musulmans, bien que les interprétations et pratiques varient selon les écoles et courants ().

II. Obligations rituelles et interdits

Les pratiques cultuelles (ibadat) sont codifiées par la jurisprudence islamique (fiqh). Dans le sunnisme, elles se traduisent principalement par les cinq piliers de l'islam (arkân al-islâm).

A. Les cinq piliers de l'islam

1. Profession de foi : Shahâda

   • Formule attestant qu'il n'y a pas d'autre dieu que Dieu et que Muhammad est son messager.
   • Cette formule n'apparaît pas textuellement dans le Coran.
   • Chez les chiites ismaéliens, la shahâda est remplacée par :
     • Walayah (amour et dévotion envers Dieu, Muhammad et l'imam).
     • Tahara (pureté / purification).

2. Aumône légale : Zakât

   • Présente dans plus de 80 versets coraniques.
   • Comprend la zakât al-filtr, liée au Ramadan, destinée aux nécessiteux.

3. Jeûne du Ramadan : Saoum

   • Neuvième mois lunaire, durant 29 à 30 jours.
   • Nuit du destin (Laylat al-Qadr), nuit la plus sacrée.
   • Fête de la rupture du jeûne (Aïd el-Fitr).

4. Prière rituelle : Sâlat

   • Cinq prières quotidiennes obligatoires.
   • Appel à la prière (adhan) par le muezzin depuis les minarets.
   • Orientation vers la Ka'aba (Qibla).
   • Pratique collective, notamment le vendredi.
   • Nécessité des ablutions avant la prière.

5. Pèlerinage à la Mecque : Hajj

   • Se déroule durant le dernier mois lunaire, Dhou al-Hijja.
   • Commémore le sacrifice d'Abraham (Ibrahim) avec son fils Ismaël.
   • Centre du pèlerinage : la Ka'aba.
   • Fête du sacrifice (Aïd al-Adha ou Aïd el-Kebir).

B. La notion de Djihad

Le djihad signifie littéralement « lutte », « effort » ou « abnégation ». Il se décline en plusieurs formes selon Averroès (mort en 1198) :

[Diagramme]

• Le djihad est d'abord une obligation collective visant à maintenir la rectitude de la croyance.
• Il cherche à convertir les « gens du Livre » par l'exemplarité, puis par la conquête si nécessaire.
• Ibn Khaldûn (mort en 1406) souligne que l'islam originel mêlait fonctions guerrière et sacerdotale, ce qui explique la guerre liée à la religion, différente du judaïsme et du christianisme.
• Avec l'apparition d'États sédentaires, l'obligation religieuse du djihad militaire a disparu dès l'époque des Omeyyades.
• Depuis les années 1980, le djihadisme, fondé sur une lecture restreinte et violente du djihad, s'est développé, notamment en Afghanistan, avec une idéologie salafiste visant à établir un califat par la violence.
• Chez les chiites ismaéliens, le djihad est considéré comme le 7e pilier, lié aux bonnes œuvres ().

C. Interdits et recommandations

Interdits alimentaires (haram)

• Porc
• Alcool
• Sang
• Respect strict des règles halal pour la consommation.

Autres interdits

• Usure (riba)
• Jeux d'argent

Recommandations

• Modestie vestimentaire
• Port de la barbe parfois encouragé

III. Rites marquant les étapes de la vie

Les rites accompagnent les grandes étapes de la vie dans l'islam, notamment la circoncision, le mariage, la polygamie et les rites funéraires.

A. Circoncision

• Pratique courante, souvent réalisée dans l'enfance, marquant l'appartenance à la communauté musulmane.

B. Mariage et polygamie

• Avant l'islam :

  • Polygamie pratiquée en Arabie préislamique.
  • Dans la Bible hébraïque, patriarches comme Jacob ou Salomon en sont des exemples.
  • Augustin, Père de l'Église, justifie la polygamie dans l'Ancien Testament pour des raisons démographiques.

• Dans l'islam :

  • Deux sourates autorisent la polygamie avec un maximum de 4 épouses.
  • Les écoles juridiques hanbalite et chaféite (VIIIe-IXe s.) recommandent la monogamie.
  • Le divorce légal (talak) est possible, mais favorise généralement les hommes.

• Aujourd'hui :

  • La polygamie est légale et encadrée dans plusieurs pays, avec environ 40 % des foyers musulmans en polygamie au Burkina Faso et au Niger.
  • Elle a été interdite au début du XXe siècle en Turquie et en Tunisie.

C. Rites funéraires

• Respect de l'intégrité du corps.
• Le corps est enveloppé dans un linceul (kafan).
• Transport effectué par des hommes sur une civière.
• Le défunt est couché sur le côté droit, la tête tournée vers La Mecque.
• Recouvrement du corps selon les prescriptions rituelles ().

IV. Courants et personnel religieux

A. Les grands schismes de l'islam

L'islam s'est divisé dès ses débuts en plusieurs courants majeurs, principalement autour de la question de la succession du Prophète Muhammad.

• L’Uma et la fitna : La scission des compagnons du Prophète a donné naissance à la fitna, un schisme majeur.
• Les Qurayshites : À l'origine des sunnites, qui suivent la Sunna, la voie tracée par le Prophète.
• Les quatre écoles juridiques (madhhab) structurent le sunnisme (Hanafite, Malikite, Chaféite, Hanbalite).
• Les chiites : Partisans d'Ali, gendre du Prophète, qu'ils considèrent comme le premier imam, descendant et successeur légitime de Muhammad.
  • L'imam est vu comme ma'sum (impeccable).
  • Le martyr d'Hassan et Hussein à Kerbala (680) est un événement fondateur.
  • Lieux saints chiites : Mashhad, Qom, Kerbala, Samara.
  • Les chiites duodécimains reconnaissent 12 imams, le dernier étant le Mahdi, attendu comme sauveur.
• Les kharijites : Nés de la scission des partisans d'Ali en 657 après la bataille de Siffin.
  • Insistent sur la légitimité du calife par son mérite moral et son élection.
  • Prônent rigorisme religieux et mysticisme, avec la pratique de l'excommunication.
  • Les Ibadites, branche des kharijites, sont présents notamment à Oman ().

B. Le personnel religieux musulman

Le monde religieux musulman comprend plusieurs fonctions et autorités, souvent imbriquées avec le pouvoir politique :

• Muftis : Émettent des fatwas, avis juridiques.
• Qadis : Juges religieux.
• Exécuteurs de la loi et responsables temporels : Califes jusqu'au XIe siècle (exemple : dynastie des Bouyides, chute en 1258 avec les Mongols).
• Imams : Dirigeants religieux dans les mosquées, responsables de la prière.
• Oulémas : Savants religieux, gardiens du savoir islamique.
• Al-Azhar : Centre religieux et universitaire majeur au Caire, fondé par les Fatimides.

Clergé actuel

• Imam : Responsable de la prière, secondé par le muezzin.
• Dignitaires chiites :
  • Mollahs : Premier grade significatif, maîtres religieux.
  • Ayatollahs : Autorités religieuses reconnues, souvent influentes politiquement.

C. Le soufisme : courant mystique du sunnisme

Le soufisme incarne la dimension intérieure et spirituelle de l'islam, cherchant un contact direct avec le divin.

• Terme issu de sufiya (purifier) ou sûf (laine, référence aux vêtements simples des premiers mystiques).
• Relation maître-disciple : le sheikh guide le murîd.
• Lieux de rassemblement : zawiyya.
• Organisation en confréries.
• Les derviches tourneurs, appartenant à l'ordre Mevlevi, sont célèbres pour leur danse rituelle.
• Le poète mystique Djalal ad-Din Roumi est une figure emblématique du soufisme ().

Conclusion : Points clés à retenir

• L'islam repose sur la croyance en un Dieu unique, le respect des prophètes, et la foi au Jugement dernier.
• Les cinq piliers structurent la vie rituelle des musulmans, avec des variantes selon les courants.
• Le djihad, notion complexe, a évolué historiquement, oscillant entre effort spirituel et combat.
• Les interdits alimentaires et moraux encadrent la vie sociale et individuelle.
• Les rites de passage, comme le mariage et les funérailles, marquent les étapes essentielles de la vie.
• L'islam est traversé par des courants majeurs (sunnisme, chiisme, kharidjisme) qui influencent ses pratiques et son organisation.
• Le personnel religieux joue un rôle central dans la transmission et l'application des normes.
• Le soufisme offre une voie mystique, centrée sur l'expérience spirituelle intérieure.

Cette synthèse illustre la richesse, la diversité et la complexité de l'islam, à la fois religion, culture et système social.