CM 7

Histoire contemporaine6 décembre 2025
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Les mutations de l’Église catholique (1944 – 1989)

Cette période est marquée par des transformations profondes au sein de l’Église catholique en France, entre maintien d’une forte identité religieuse, tentatives d’adaptation au monde moderne, et déclin progressif de la pratique religieuse.


I. Forces et faiblesses de l’Église catholique (1944 – 1962)

Un catholicisme encore majoritaire mais inégalement pratiqué

Après la Seconde Guerre mondiale, la France reste un pays majoritairement catholique :

  • En 1954, 94 % des Français sont baptisés catholiques.
  • 80 % des mariages civils sont suivis d’une cérémonie religieuse.
  • En 1948, la France compte environ 42 500 prêtres diocésains répartis sur 36 000 communes.

Cependant, la pratique religieuse varie fortement selon les régions et les milieux sociaux :

  • En moyenne, 32 % de la population assiste à la messe dominicale en France métropolitaine.
  • À Bordeaux, en 1955, seulement 21 % des habitants sont pratiquants réguliers, et ce taux tombe à 12 % en banlieue.
  • Certaines régions comme la Vendée, le Pays basque ou le Limousin restent très pratiquantes, tandis que d’autres montrent une moindre ferveur.

Ces disparités sont révélées par la première grande enquête sociologique menée par le chanoine Boulard à partir de 1947, qui aboutit à la publication de la Carte religieuse de la France rurale. Cette étude met en lumière une déchristianisation réelle, avec une minorité de la population qui s’éloigne du catholicisme.

L’expérience des prêtres-ouvriers : un symbole de la déchristianisation

Face à l’éloignement des ouvriers du catholicisme, une initiative originale voit le jour : les prêtres-ouvriers. Leur but est de partager la vie et le travail des ouvriers pour mieux transmettre le message chrétien.

  • Une centaine de prêtres-ouvriers travaillent dans des usines, ateliers ou chantiers, adoptant les conditions de vie du prolétariat.
  • Cette démarche, amorcée dès la Seconde Guerre mondiale, est à la fois admirée et critiquée.
  • Certains prêtres-ouvriers s’engagent dans des luttes politiques et syndicales, notamment avec la CGT ou des militants communistes, ce qui provoque des tensions dans le contexte de la guerre froide.

En 1954, le pape Pie XII impose des restrictions sévères : le travail manuel des prêtres est limité à trois heures par jour, interdisant de fait le statut de prêtre-ouvrier. Certains prêtres obéissent, d’autres désobéissent et poursuivent leur mission ouvrière.


II. Le concile Vatican II (1962 – 1965)

Un concile œcuménique pour une mise à jour de l’Église

Le concile Vatican II, convoqué par le pape Jean XXIII, est un événement majeur qui réunit environ 2 400 évêques et responsables religieux du monde entier. Son objectif est un aggiornamento, c’est-à-dire une mise à jour de l’Église face aux transformations du monde moderne.

  • Le concile se tient à Rome, dans la basilique Saint-Pierre.
  • Dès les premiers votes, environ 80 % des participants soutiennent cette modernisation.

Les innovations majeures du concile

Le concile apporte des changements visibles et profonds dans la doctrine et la pratique catholiques :

  • Célébration de la messe en langues vernaculaires : un changement symbolique qui rapproche la liturgie des fidèles.
  • Décret Unitatis redintegratio : reconnaissance positive des autres Églises chrétiennes (protestantes, orthodoxes), fondant l’œcuménisme catholique.
  • Déclaration Nostra aetate : affirmation d’une part de vérité dans les religions non chrétiennes et fin de l’antijudaïsme religieux, en rejetant la responsabilité collective des Juifs dans la mort du Christ.
  • Déclaration Dignitatis humanae : affirmation du droit à la liberté religieuse pour toute personne, marquant un tournant vers la reconnaissance des droits de l’homme et la primauté de la conscience individuelle.

En 1966, la suppression de l’Index, liste d’ouvrages interdits depuis le concile de Trente, symbolise cette modernisation. Toutefois, certains aspects comme le rejet du libéralisme économique et politique restent inchangés.


III. La déprise catholique (1965 – 1989)

Un déclin marqué de la pratique religieuse

Après Vatican II, la baisse de la pratique dominicale devient manifeste :

  • À Paris, le nombre de fidèles un dimanche passe de 364 000 en 1962 à 191 000 en 1975.
  • Dans le canton vendéen de Saint-Fulgent, la pratique dominicale chute de 93 % en 1956 à 55 % en 1979.
  • D’autres indicateurs baissent également : nombre de baptêmes, confessions, catéchèse, et pratiques familiales comme la prière avant les repas.
  • Les ordinations sacerdotales diminuent fortement : de 1 649 en 1947 à seulement 161 en 1975.
  • En 1952, 50 % des Français croyaient en une seule vraie religion ; en 1998, ils ne sont plus que 6 %.

Les causes du déclin

Ce déclin ne peut être attribué directement au concile Vatican II, même si certains milieux traditionalistes le dénoncent. La plupart des chercheurs expliquent ce phénomène par des facteurs sociaux et culturels :

  • Montée des loisirs et développement des médias.
  • Démocratisation de la voiture et mobilité accrue.
  • Ces transformations éloignent les fidèles de leur paroisse et de la pratique obligatoire.

L’historien Guillaume Cuchet souligne que Vatican II a surtout facilité la sortie d’une « culture de la pratique obligatoire ». Avant le concile, le catholicisme reposait sur une discipline stricte et la peur des peines éternelles. Après, le discours sur l’enfer, le purgatoire et l’obligation d’assister à la messe s’estompe.

La liberté religieuse, mal comprise, a parfois été interprétée comme la liberté de ne plus pratiquer. En cessant d’insister sur le devoir de la messe dominicale, le clergé a involontairement amplifié un mouvement de déprise déjà amorcé après 1945.


Conclusion

Entre 1944 et 1989, l’Église catholique en France traverse une période de transition majeure. Malgré une forte implantation sociale, la pratique religieuse décline, reflétant des mutations profondes dans la société. Le concile Vatican II incarne une volonté d’adaptation et de dialogue avec le monde moderne, mais ses effets indirects contribuent aussi à la transformation des comportements religieux, marquant le passage d’un catholicisme de discipline à une foi plus libre et moins contraignante.

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