Enjeux politiques contemporains dans un contexte mondialisé GP5

UCO S1 GP6 décembre 2025
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Enjeux politiques contemporains dans un contexte mondialisé

Séance 5 : Démocratie, droits de l’homme et droits


1. Les droits de l’homme et leur justification

La Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies, est le fruit d’une vaste consultation intellectuelle internationale. Cependant, face à la diversité radicale des opinions philosophiques, aucun consensus clair n’a pu être établi sur une justification philosophique unique. La commission des droits de l’homme de l’ONU a donc choisi de ne pas publier les résultats de cette enquête.

  • En l’absence d’une base philosophique unanime, un consensus subjectif s’est imposé : le soutien de l’opinion publique est la clé de voûte des droits de l’homme.
  • Les racines philosophiques des droits de l’homme remontent au XIVe siècle avec une philosophie individualiste, notamment chez Duns Scot et surtout Guillaume d’Occam, qui introduisent une ontologie centrée sur les subjectivités plutôt que sur la Cité.
  • Chez Hobbes et Locke, les droits sont considérés comme naturels et imprescriptibles, appartenant à l’homme en vertu de sa nature humaine, ce qui légitime leur caractère inaliénable.
  • Cette idée se retrouve dans les premières déclarations modernes des droits de l’homme :
    • Déclaration d’indépendance américaine (1776) : affirmation que tous les hommes sont créés égaux et dotés de droits inaliénables tels que la vie, la liberté et la recherche du bonheur.
    • Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen (1789) : proclame la liberté, l’égalité en droits, et la conservation des droits naturels comme la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.

Selon Claude Lefort, la grande innovation de ces déclarations est d’avoir remis en cause tout ordre naturel figé, ouvrant la voie à une indétermination radicale dans la place de chacun.


2. Enjeux des droits de l’homme

Les droits de l’homme, bien qu’originellement ancrés dans une philosophie libérale et du droit naturel, ont acquis une dimension politique majeure grâce à leur portée symbolique. Cette dimension permet la revendication de droits dans des luttes diverses, même si ces revendications peuvent parfois être particularistes (communautaires, corporatistes) et ne pas toujours viser la justice ou le bien commun.

  • La distinction marxiste entre démocratie formelle (droits de l’homme, liberté d’expression) et réalité sociale (inégalités, domination) est remise en question. Ces deux domaines ne sont pas étanches.
  • L’aspect performatif des déclarations de droits, inspiré par J.L. Austin (Quand dire, c’est faire), montre que le droit est avant tout un argument d’un tort qui permet la subjectivation politique.
  • L’écart entre le texte égalitaire et les rapports sociaux inégalitaires permet au sujet de lier son expérience particulière à une universalité revendiquée.
  • La naissance de la démocratie et des droits de l’homme est illustrée par la reconnaissance du semblable et la remise en cause d’un ordre hétéronome (Marcel Gauchet), tandis que Foucault souligne le triomphe d’une rationalité bourgeoise normalisatrice.

3. Droits de l’homme et démocraties

Une tension fondamentale existe entre les droits de l’homme et la démocratie. En effet, les droits de l’homme, conçus comme des normes transcendant la volonté populaire, limitent la souveraineté absolue du peuple.

  • La doctrine libérale ne reconnaît pas un droit absolu du peuple à décider sans contraintes, mais impose des limites au pouvoir souverain au nom du principe de légalité.
  • Jürgen Habermas tente de réconcilier ces deux notions à travers sa théorie de la communication :
    • L’universel, incarné par la loi qui dépasse les souverainetés particulières, peut être démocratiquement appréhendé par la communication entre sujets politiques et sujets de droit.
    • La cohérence entre souveraineté populaire et droits de l’homme réside dans un mode d’exercice de l’autonomie politique qui se manifeste dans la discussion et la formation de la volonté collective.
  • Ce paradoxe est souligné par Hannah Arendt : les droits de l’homme, conçus comme inaliénables et indépendants de toute autorité politique, demeurent ineffectifs sans protection politique.
  • Michel Villey met en lumière les contradictions internes des droits de l’homme libéraux, souvent incompatibles entre eux, par exemple :
    • Le droit à la sécurité peut entrer en conflit avec les garanties des justiciables.
    • Le droit à la vie s’oppose à la liberté d’avorter.
    • Le droit au silence peut être difficile à concilier avec le droit de manifester.

Ces contradictions montrent que la pratique séparée des droits peut générer des injustices.


4. Droits et capitalisme

Marx critique la conquête des droits en soulignant qu’elle n’a pas remis en cause la logique capitaliste, même si elle a parfois amélioré les conditions de la classe ouvrière.

  • La sphère économique, notamment la circulation des marchandises et la vente de la force de travail, est décrite comme un « Eden des droits naturels de l’homme et du citoyen », où les droits sont pleinement intégrés dans la logique capitaliste.
  • Cette intégration conduit à une juridicisation excessive des sphères de la vie, symptôme paradoxal de la mort du droit, car le droit devient un simple rapport marchand sans critères communs de justice.
  • Les critiques de Marx et Carl Schmitt convergent pour dénoncer l’universalisme des droits de l’homme comme une idéologie bourgeoise au service d’intérêts particuliers, y compris dans le cadre des guerres menées par les États.
  • Hannah Arendt insiste sur le fait que nous ne naissons pas égaux, mais que nous devenons égaux en tant que membres d’un groupe qui décide de se garantir mutuellement des droits égaux.
  • La vie politique repose donc sur la capacité humaine à agir collectivement dans un monde commun avec ses égaux, ce qui fonde la légitimité des droits et de la démocratie.

Conclusion

Les droits de l’homme, bien que nés d’une philosophie libérale et naturaliste, ont évolué vers une fonction politique et symbolique essentielle dans les sociétés contemporaines. Ils incarnent un paradoxe fondamental : inaliénables et universels, ils limitent la souveraineté populaire tout en nécessitant une protection politique pour être effectifs. Leur articulation avec la démocratie reste un défi, notamment face aux contradictions internes des droits et à leur intégration dans un système capitaliste mondialisé. La réflexion sur ces enjeux invite à penser les droits non seulement comme des normes juridiques, mais aussi comme des pratiques sociales et politiques en constante négociation.

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