Formes d'administration en O.R.L.
L’administration des médicaments en oto-rhino-laryngologie (O.R.L.) regroupe plusieurs formes pharmaceutiques adaptées aux spécificités anatomiques et physiologiques des voies respiratoires supérieures : cavité buccale, gorge, nez, et oreilles. Ces formes permettent une action locale ciblée ou une absorption systémique rapide, souvent en évitant le métabolisme hépatique de premier passage. Ce document présente les principales voies d’administration en O.R.L., leurs formes galéniques, avantages, contraintes et exemples cliniques.
1. Formes destinées à la voie perlinguale
La voie perlinguale consiste à déposer le médicament sous la langue, où la riche vascularisation permet une absorption rapide du principe actif (PA) directement dans la circulation sanguine, contournant ainsi le métabolisme hépatique de premier passage.
Présentations courantes
- Solutions en ampoules ou gouttes.
- Petits comprimés à dissoudre sous la langue.
- Formes homéopathiques : granules, globules, comprimés, solutions.
Avantages
- Absorption rapide, action quasi immédiate.
- Évite la dégradation digestive et le métabolisme hépatique.
- Adaptée aux traitements nécessitant une réponse rapide.
Exemple thérapeutique
- Nitroglycérine (NTG) : traitement de l’angor par voie perlinguale, permettant un soulagement rapide de la douleur thoracique.
2. Formes pour les muqueuses bucco-pharyngées
Ces formes sont conçues pour une application locale sur les muqueuses de la cavité buccale et de la gorge, visant une action locale prolongée ou une absorption systémique contrôlée.
Types de formes
- Collutoires : solutions liquides appliquées localement sans être dégluties ni recrachées. Souvent administrés par pulvérisation (ex. Angispray®).
- Gargarismes : liquides destinés au lavage de la gorge.
- Bains de bouche : liquides pour le lavage de la cavité buccale, utilisés comme antiseptiques ou produits d’hygiène (ex. Synthol®, Alodont®).
- Formes bioadhésives : comprimés ou films adhérant aux muqueuses humides pour prolonger le contact du PA.
Mécanismes d’adhésion bioadhésive
L’adhésion des formes bioadhésives repose sur plusieurs mécanismes :
- Électrostatique : interaction des charges à l’interface.
- Adsorption : interactions faibles entre polymères et muqueuse.
- Diffusion : interpénétration des chaînes polymériques.
- Interpénétration : enchevêtrement physique avec liaisons secondaires.
- Ancrage : adhésion sur les irrégularités de surface.
Ces mécanismes permettent un contact prolongé du PA avec la muqueuse, améliorant l’efficacité locale et réduisant la fréquence d’administration.
Action locale et systémique
- Action locale : traitement ciblé des affections buccales (aphtes, candidoses, tumeurs superficielles), avec réduction des effets secondaires.
- Effet systémique : alternative à la voie orale ou injectable, notamment en cas de métabolisme présystémique important ou biodisponibilité orale aléatoire.
Exemple clinique : Loramyc® (miconazole)
- Indication : candidose oropharyngée chez patients immunodéprimés (cancer tête et cou, VIH).
- Forme : comprimé muco-adhésif à appliquer sur la gencive.
- Mécanisme : hydratation de la matrice, adhésion prolongée, diffusion progressive du PA.
- Avantages : absorption systémique régulée sans passage hépatique.
- Conseils : ne pas avaler, appliquer sur la gencive, humidifier en cas de bouche sèche, éviter de mâcher ou sucer.
3. Formes pour la voie nasale
La voie nasale est une voie d’administration privilégiée en O.R.L. pour son absorption rapide, son action locale ou systémique, et sa facilité d’utilisation non invasive.
Anatomie et physiologie nasales
La muqueuse nasale constitue une triple barrière :
- Mucus et drainage mucociliaire : élimination des particules étrangères.
- Complexe jonctionnel intercellulaire : limite la pénétration des substances.
- Activité enzymatique : dégradation possible des PA, notamment des peptides.
Avantages de la voie nasale
- Absorption rapide, réponse clinique en quelques minutes.
- Évite le métabolisme hépatique de premier passage.
- Bonne biodisponibilité pour les molécules de faible poids moléculaire.
- Administration facile, non invasive et sans risque infectieux.
- Adaptée aux traitements ambulatoires.
Limites et contraintes
- Volume d’administration limité (25 à 200 µL).
- Irritation possible de la muqueuse, déconseillée en administration chronique.
- Défauts d’absorption ou solubilité insuffisante de certains PA.
- Peu adaptée aux formes à libération prolongée.
- Variabilité de la déposition dans la cavité nasale, pouvant affecter l’efficacité.
Propriétés physicochimiques des PA influençant l’absorption
- Masse moléculaire : plus elle est faible, meilleure est l’absorption.
- pH : la muqueuse nasale a un pH proche de 7,2-7,4, compatible avec la plupart des formulations.
- Coefficient de partage (log P) : influence la capacité à traverser la muqueuse (exemple : progestérone chez le lapin).
Formes pharmaceutiques et dispositifs de dispensation
| Forme | Description et avantages | Inconvénients et exemples |
|---|
| Gouttes nasales | Solutions ou suspensions, flacons souples avec embout atomiseur grossier. | Mauvaise reproductibilité de dose, risque de contamination microbiologique. |
| Poudres nasales | Adaptées aux PA locaux ou systémiques. | Irritation possible, coût plus élevé. Ex. BAQSIMI® (hypoglycémie sévère). |
| Gels ou pommades | Réduction de l’avalement, localisation du dépôt. | Bonne tolérance, utilisé pour épistaxis. |
| Sprays (solutions ou suspensions) | Aérosols doseurs précis et reproductibles. | Volume ≥ 25 µL, composition complexe (solubilisants, tampons, conservateurs). |
| Sprays sans retour d’air | Évite l’aspiration d’air, réduit contamination, souvent sans conservateur. | Systèmes spécifiques à usage unique. |
| Sprays unidose | Usage unique, prêt à l’emploi, facile à utiliser, adapté aux liquides et solides. | Utilisé notamment pour la douleur (ex. fentanyl). |
Optimisation de la délivrance
- Dispositifs électroniques (ex. Lockout) améliorent la sécurité et la compliance en contrôlant dose et temps d’administration.
- Dispositifs spécifiques pour urgences (ex. MAD-100, MADomizer) facilitent la nébulisation avec seringue.
Exemple clinique : Zomig® (zolmitriptan)
Le zolmitriptan, utilisé dans le traitement de la migraine, illustre parfaitement les avantages de la voie nasale. Des études combinant tomographie par émission de positons (TEP), imagerie par résonance magnétique et modélisation informatique ont montré que le zolmitriptan est détectable dans le cerveau seulement 5 minutes après administration intranasale. Cette absorption rapide permet une réponse clinique efficace et rapide, essentielle dans la prise en charge des migraines.
Conclusion : Points clés à retenir
- La voie perlinguale offre une absorption rapide et évite le métabolisme hépatique, adaptée aux traitements nécessitant une action immédiate.
- Les formes pour les muqueuses bucco-pharyngées, notamment bioadhésives, permettent une action locale prolongée et une absorption systémique contrôlée.
- La voie nasale est une voie privilégiée en O.R.L. pour son absorption rapide, sa facilité d’administration et son double effet local et systémique, malgré certaines contraintes liées à la muqueuse et aux propriétés des PA.
- Le choix de la forme pharmaceutique et du dispositif de dispensation est crucial pour optimiser l’efficacité thérapeutique et la tolérance.
- Des exemples cliniques comme Loramyc® et Zomig® illustrent l’importance de ces formes adaptées aux besoins spécifiques des patients.
@docvoie ORL Begu 2025.pdf
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