La preuve des droits subjectifs II

Preuve des Droits Subjectifs et Presomptions JuridiquesNiveau : intermediate7 décembre 2025
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La preuve des droits subjectifs II

La preuve des droits subjectifs est un enjeu fondamental en droit civil français. Un droit ne peut être exercé sans démontrer son existence, c’est-à-dire prouver les faits qui fondent la prétention. Selon l’article 9 du Code de procédure civile, chaque partie doit prouver les faits nécessaires au succès de sa demande ou de sa défense. Le titulaire d’un droit ne doit pas prouver la règle de droit elle-même, car le juge la connaît, mais il doit prouver qu’il se trouve dans la situation prévue par cette règle.

Les droits subjectifs naissent d’un acte juridique (manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit) ou d’un fait juridique (événement ou comportement produisant des effets juridiques indépendamment de la volonté). Il faut donc prouver l’acte ou le fait qui a créé le droit (par exemple, un contrat de prêt ou un dommage causé).


1. Le principe général de la charge de la preuve

Le principe fondamental est résumé par l’adage latin actori incumbit probatio : celui qui réclame l’exécution d’un droit doit en prouver l’existence. Ainsi :

  • Le demandeur doit prouver les faits sur lesquels il fonde sa demande (ex. : un créancier prouve l’existence d’une dette).
  • Le défendeur peut simplement nier les faits allégués. Cependant, s’il invoque des faits nouveaux (ex. paiement, prescription), il doit les prouver à son tour (Reus in excipiendo fit actor).
  • Ce va-et-vient dans la charge de la preuve peut se poursuivre selon les arguments échangés.

L’article 1315 du Code civil précise que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, et inversement, celui qui prétend être libéré doit justifier cette extinction. Ce principe s’applique également aux droits réels, comme dans une action en revendication.

Citation représentative :
« Chaque partie doit prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention » (article 9 du Code de procédure civile)


2. La preuve des actes juridiques : le régime de l’écrit

2.1. La preuve parfaite : l’écrit obligatoire

En droit français, la preuve des actes juridiques est strictement encadrée. Pour les actes dépassant 1500 euros, la preuve doit être apportée par un écrit (acte notarié ou sous signature privée), conformément à l’article 1341 du Code civil. Cette exigence est une règle de preuve (ad probationem), non une condition de validité (ad validitatem), sauf exceptions (ex. : contrat de mariage).

L’écrit est privilégié car il assure une preuve claire, stable et fiable, garantissant la sécurité juridique. L’aveu judiciaire et le serment décisoire sont également des modes de preuve parfaits, qui lient le juge.

2.2. Les procédés de preuve imparfaits

Les preuves imparfaites (témoignages, présomptions) sont en principe exclues pour prouver les actes juridiques, sauf exceptions. Le témoignage est notamment interdit contre un écrit, même si la somme est inférieure au seuil légal.

2.3. Exceptions à l’exigence de l’écrit

Plusieurs exceptions permettent de déroger à cette exigence rigoureuse :

  • Les petites affaires : pour les actes dont le montant est inférieur à 1500 euros, la preuve peut être libre, notamment par témoins.
  • Le commencement de preuve par écrit : un écrit imparfait qui rend vraisemblable un fait allégué, par exemple une lettre ou un document signé par l’adversaire. Ce commencement doit émaner de la partie contre laquelle la preuve est produite et ouvre la possibilité d’apporter des preuves complémentaires imparfaites (témoignages, présomptions).
  • L’impossibilité de se procurer un écrit : matérielle (circonstances urgentes) ou morale (confiance entre parties).
  • La perte ou destruction de l’écrit : en cas de force majeure, une copie fidèle et durable peut remplacer l’original, notamment dans les relations avec les professionnels (banques).
  • Les actes de commerce entre commerçants : peuvent être prouvés par tout moyen, sans exigence d’écrit (article L110-3 du Code de commerce).
  • La preuve par convention entre parties : les parties peuvent convenir d’autres modes de preuve que l’écrit, car ces règles ne sont pas d’ordre public.

Exemple concret :
Un dirigeant ayant signé un acte d’emprunt peut être tenu de caution même si le document ne porte pas la mention manuscrite requise, grâce au commencement de preuve par écrit.


3. La preuve des faits juridiques : liberté de la preuve

Contrairement aux actes juridiques, les faits juridiques (délits, quasi-délits, quasi-contrats) ne nécessitent pas de preuve écrite. La preuve morale prévaut, ce qui signifie que tout moyen de preuve est admis : témoignages, présomptions, aveux, etc.

L’article 1348 du Code civil précise que l’obligation née d’un quasi-contrat, d’un délit ou quasi-délit n’exige pas d’écrit, laissant au juge une grande liberté pour apprécier la preuve selon les éléments présentés.


4. Les présomptions légales : mécanisme et catégories

4.1. Définition et fonctionnement

La présomption légale intervient lorsqu’il est difficile de prouver un fait directement, mais plus simple d’établir un autre fait dont la loi déduit la réalité du premier. Selon l’article 1349 du Code civil, la loi tire une conséquence d’un fait connu vers un fait inconnu.

La présomption ne dispense pas totalement de la preuve : il faut prouver le fait connu pour que la présomption opère.

4.2. Exemples de présomptions légales

  • Présomption de paternité (article 312) : l’enfant né pendant le mariage est présumé être celui du mari.
  • Présomption relative à la durée des grossesses (article 311) : la conception est présumée entre le 300e et le 180e jour avant la naissance.

4.3. Variétés de présomptions légales

Type de présomptionCaractéristiquesExemple
Présomptions simplesSusceptibles d’être renversées par la preuve contraire. Constituent le droit commun.Durée des grossesses, responsabilité de l’artisan pour les actes de son apprenti (article 1384 al.6).
Présomptions irréfragablesNe peuvent être contestées par la preuve contraire. Doivent être expressément prévues par la loi.Nullité d’actes, présomption de libération du débiteur (article 1282).

5. La présomption irréfragable et la dénégation de l'action en justice

La présomption irréfragable se divise en deux catégories principales :

  • Présomption irréfragable stricte : ne peut jamais être renversée (rare aujourd’hui).
  • Présomption irréfragable déniant l’action en justice : interdit toute contestation judiciaire.

Exemples de présomptions irréfragables déniant l’action

  • Article 1282 du Code civil : la remise par un créancier à son débiteur du titre prouvant la créance entraîne la présomption irréfragable de libération du débiteur, empêchant toute action en paiement.
  • Articles 221 et 222 : présomption que l’époux ayant ouvert un compte bancaire a le pouvoir de disposer des fonds, excluant la preuve contraire par le conjoint.
  • Articles 350 et 351 : l’autorité de la chose jugée présume irréfragablement la vérité du jugement, interdisant une nouvelle action sur la même question.

Ces présomptions limitent fortement la possibilité de preuve contraire, qui reste toutefois exceptionnellement admise dans certains cas.


6. Synthèse et schéma récapitulatif

Pour mieux visualiser les règles de preuve des droits subjectifs, on peut représenter le système ainsi :

[Diagramme]


Points clés à retenir

  • La preuve des droits subjectifs repose sur la distinction entre actes juridiques (preuve écrite exigée) et faits juridiques (preuve libre).
  • La charge de la preuve incombe à celui qui réclame l’exécution d’un droit, mais peut se déplacer selon les faits invoqués.
  • L’écrit est la preuve parfaite pour les actes juridiques dépassant 1500 euros, avec plusieurs exceptions permettant des preuves imparfaites.
  • Les présomptions légales facilitent la preuve en déduisant un fait inconnu d’un fait connu, avec des présomptions simples (renversables) et irréfragables (irréversibles).
  • La présomption irréfragable peut interdire toute contestation judiciaire, renforçant la sécurité juridique.
  • La preuve des faits juridiques est libre, permettant l’usage de tous moyens de preuve, ce qui offre une grande souplesse au juge.

Citation représentative :
« La preuve morale prévaut pour les faits juridiques, laissant au juge une grande liberté d’appréciation » (article 1348 du Code civil)


Cette synthèse permet de comprendre les règles complexes de la preuve des droits subjectifs, en conciliant rigueur juridique et pragmatisme, pour garantir à la fois la sécurité juridique et l’équité dans la preuve.

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