Protection juridique du majeur vulnérable — fiche de révision
La protection juridique des majeurs vulnérables vise à sauvegarder leurs intérêts lorsque leurs capacités physiques ou mentales sont altérées, les empêchant de défendre seuls leurs droits. Le droit civil français propose un ensemble de mesures graduées, adaptées à la gravité de l’altération et aux besoins spécifiques de la personne, tout en respectant autant que possible son autonomie.
I. Principes généraux de la protection juridique des majeurs vulnérables
La protection intervient lorsqu’une altération médicalement constatée des facultés empêche la personne majeure d’exprimer sa volonté ou de gérer ses affaires (articles 425, 429 du Code civil). Elle peut être :
- Occasionnelle, par exemple l’annulation d’actes juridiques réalisés sous l’empire d’un trouble mental (articles 414-1 et 414-2).
- Durable, par la mise en place de mesures judiciaires ou extrajudiciaires adaptées.
L’action en nullité des actes accomplis par une personne non saine d’esprit doit être exercée dans un délai de 5 ans par la personne concernée, ses représentants ou héritiers (article 2224).
Cette organisation graduée permet de concilier protection effective et respect de l’autonomie du majeur vulnérable, en adaptant la réponse juridique à chaque situation individuelle ().
II. Les mesures de protection juridique
Les mesures se répartissent en deux grandes catégories : la protection occasionnelle et la protection durable.
A. Protection occasionnelle : annulation des actes
Les actes accomplis sous l’empire d’un trouble mental peuvent être annulés si ce trouble est prouvé au moment de la volonté (articles 414-1, 414-2). Cette protection ponctuelle vise à préserver la validité des actes juridiques et à protéger la personne sans altérer sa capacité juridique.
B. Protection durable : mesures judiciaires et extrajudiciaires
Lorsque la protection occasionnelle est insuffisante, des mesures durables sont mises en place, graduées selon le degré d’altération et les besoins :
- Habilitation familiale (mesure extrajudiciaire)
- Sauvegarde de justice (mesure temporaire)
- Curatelle (mesure d’assistance)
- Tutelle (mesure de représentation)
- Mandat de protection future (mesure anticipée)
- Mesure d’accompagnement judiciaire (mesure sociale adaptée)
Ces mesures sont ordonnées par le juge des tutelles, qui désigne également les représentants légaux (articles 430 et suivants).
III. L’habilitation familiale : une mesure extrajudiciaire
L’habilitation familiale permet à un proche de représenter ou assister la personne vulnérable sans recourir à une mesure judiciaire contraignante (article 494).
- Durée : maximale de 10 ans renouvelable, pouvant aller jusqu’à 20 ans selon la gravité (article 494-6).
- Conditions : la personne protégée doit être majeure ou mineure émancipée, avec une incapacité médicalement constatée empêchant l’expression de sa volonté (articles 425, 429).
- Missions : actes d’administration, de disposition ou relatifs à la personne protégée, dans les limites fixées par le juge.
- Fin de la mesure : décès, placement sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice, ou mainlevée (articles 494-6, 494-11).
- Procédure : désignation par le juge des tutelles, avec certificat médical circonstancié obligatoire (articles 430-431). Le juge entend la personne protégée sauf impossibilité et rend une décision motivée dans l’année (article 432).
Cette mesure, gratuite, privilégie une protection moins contraignante que la tutelle ou la curatelle, favorisant le maintien des liens familiaux et sociaux ().
IV. La sauvegarde de justice : protection temporaire et légère
La sauvegarde de justice est une mesure temporaire destinée à protéger la personne vulnérable tout en lui permettant de conserver l’exercice de ses droits (articles 433-438).
- Ouverture : par décision judiciaire ou déclaration médicale.
- Effets : la personne conserve l’exercice de ses droits, mais les actes qu’elle accomplit peuvent être contestés pour insanité d’esprit ou lésion dans un délai de 5 ans (article 435).
- Fin : ouverture d’une curatelle ou tutelle, déclaration médicale de fin de besoin, radiation d’office, péremption ou décès (articles 439, 418).
Cette mesure offre une protection juridique adaptée sans altérer la capacité juridique de la personne, souvent utilisée en cas de troubles passagers ().
V. Curatelle et tutelle : mesures judiciaires de protection
Ces mesures judiciaires sont mises en place lorsque la personne vulnérable nécessite une assistance ou une représentation durable.
A. La curatelle : assistance dans les actes importants
La curatelle est une mesure d’assistance continue pour les actes importants, adaptée aux personnes dont les facultés sont altérées mais qui conservent une certaine capacité d’agir (article 440).
- Le curateur assiste la personne protégée pour certains actes, comme la conclusion de contrats ou l’introduction d’actions en justice (articles 467-468).
- La personne sous curatelle peut accomplir seule certains actes, mais doit être assistée pour d’autres.
- Par exemple, la rupture d’un PACS par une personne sous curatelle nécessite l’assistance du curateur (article 461).
- Les actes accomplis sans respect des règles d’assistance peuvent être annulés (articles 464-465).
B. La tutelle : représentation complète
La tutelle est une mesure de représentation continue, destinée aux personnes dont l’altération des facultés nécessite une gestion complète de leurs intérêts (article 440, alinéa 4).
- Le tuteur agit au nom de la personne protégée dans tous les actes civils et la gestion patrimoniale (articles 473, 474).
- La personne protégée conserve certains droits personnels, comme choisir son lieu de résidence et ses relations sociales (article 459-2).
- Certaines décisions personnelles, telles que le mariage ou la signature d’un contrat de mariage, nécessitent l’assistance du tuteur (articles 1399, 175).
- La rupture d’un PACS doit être signifiée par le tuteur (article 462).
- Le tuteur a l’obligation d’informer la personne protégée des actes importants qui la concernent (article 457-1).
[Diagramme]
Cette gradation permet d’adapter la protection aux capacités résiduelles de la personne, en limitant la privation de droits au strict nécessaire ().
VI. Durée, désignation et contrôle des mesures judiciaires
Les mesures de protection sont généralement limitées dans le temps, avec une durée initiale de 5 ans renouvelables, pouvant aller jusqu’à 10 ou 20 ans selon l’avis médical (articles 441-442).
- Désignation : le juge des tutelles ordonne la mesure, désigne le tuteur ou curateur, et assure la publicité par mention en marge de l’acte de naissance (articles 444, 447-450).
- Subrogé-tuteur ou subrogé-curateur : nommé pour surveiller la gestion et intervenir en cas de conflit d’intérêts (article 454).
- Curateur ou tuteur ad hoc : désigné si les intérêts du représentant légal s’opposent à ceux de la personne protégée (article 455).
- Conseil de famille : facultatif, il peut être organisé pour participer à la désignation (article 456).
- Gratuité et incompatibilités : ces mesures sont en principe gratuites et certaines professions sont exclues de leur exercice (articles 419, 445, 452).
Cette organisation garantit un encadrement rigoureux et un contrôle judiciaire pour protéger au mieux les intérêts du majeur vulnérable ().
VII. Le mandat de protection future : une mesure anticipée et personnalisée
Le mandat de protection future permet à un majeur ou mineur émancipé de désigner à l’avance un mandataire chargé de gérer ses intérêts en cas d’incapacité future (article 477).
Caractéristiques principales :
- Objet : protection de la personne, des biens, ou des deux.
- Forme : mandat notarié ou sous signature privée.
- Droits et obligations du mandataire : régis par les articles 457-1 à 459-2 (personne) et 486-491 (biens).
- Gestion des biens : inventaire au début du mandat, tenue à jour, compte rendu annuel sous contrôle judiciaire (article 486).
- Contrôle : le mandataire rend ses comptes au notaire, qui peut saisir le juge en cas d’anomalies (article 491).
- Validité des actes : les actes réalisés par la personne protégée pendant le mandat peuvent être annulés ou réduits selon les règles générales (articles 414, 488).
- Fin du mandat : rétablissement des facultés, décès, placement sous tutelle, ou révocation par le juge (articles 483, 485).
- Suspension : possible par le juge en cas de sauvegarde de justice (article 483, al. 2).
- Décharge du mandataire : seule compétence du juge des tutelles (article 480, al. 3).
Cette mesure offre une protection souple, permettant au mandant de choisir librement son mandataire et les modalités de gestion, tout en anticipant une éventuelle perte d’autonomie ().
VIII. La mesure d’accompagnement judiciaire : une protection sociale adaptée
La mesure d’accompagnement judiciaire intervient lorsque les mesures sociales personnalisées sont insuffisantes pour assurer la gestion des prestations sociales d’une personne majeure, mettant en danger sa santé ou sa sécurité (article 495).
Points essentiels :
- Conditions : ne peut être prononcée si une mesure de protection juridique est déjà en place (article 495-1).
- Durée : limitée à 2 ans renouvelables, sans dépasser 4 ans au total (article 495-8).
- Objectif : restaurer l’autonomie de la personne dans la gestion de ses ressources, sans entraîner d’incapacité (articles 495, 495-3).
- Mandataire judiciaire : choisi sur une liste officielle, il perçoit et gère les prestations sociales, tout en menant une action éducative pour rétablir l’autonomie (articles 495-6, 495-7).
Cette mesure complète les régimes juridiques classiques en privilégiant la restauration progressive de l’autonomie du majeur vulnérable ().
Conclusion : points clés à retenir
- La protection juridique du majeur vulnérable s’adapte à la gravité de l’altération des facultés, avec des mesures graduées allant de la protection occasionnelle à la tutelle complète.
- Le respect de l’autonomie de la personne est un principe fondamental, avec des mesures moins contraignantes privilégiées lorsque cela est possible.
- Le juge des tutelles joue un rôle central dans la mise en place, le contrôle et la durée des mesures.
- Le mandat de protection future permet d’anticiper la protection, offrant une grande souplesse.
- La mesure d’accompagnement judiciaire complète le dispositif en apportant une réponse sociale adaptée.
Cette organisation équilibrée vise à protéger efficacement les majeurs vulnérables tout en respectant leur dignité et leurs droits fondamentaux.