Gestion intégrée et économique de l'eau
La gestion de l'eau est un enjeu majeur pour répondre aux besoins croissants en ressources hydriques tout en préservant les écosystèmes. La Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) s'impose comme une approche globale et coordonnée, visant à concilier les dimensions économiques, sociales et environnementales de l'eau. Cette révision présente les fondements de la GIRE, ses principes économiques, les outils de gestion, ainsi que les techniques d'irrigation et leviers d'économie d'eau en agriculture.
1. Fondements de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE)
La GIRE est un processus coordonné de développement et de gestion des ressources en eau, des terres et des ressources associées, qui vise à maximiser le bien-être économique et social de manière équitable tout en assurant la durabilité des écosystèmes. Elle se distingue des approches sectorielles traditionnelles souvent cloisonnées et inefficaces.
Objectifs et principes clés
- Maximiser le bien-être économique et social tout en protégeant l'environnement.
- Assurer un accès équitable à l'eau, en incluant les groupes marginalisés et en tenant compte des questions de genre.
- Adopter une approche intersectorielle intégrant usages agricoles, industriels, domestiques, et décisions partagées entre parties prenantes.
- Anticiper les impacts du changement climatique dans la gestion des ressources.
- Favoriser la participation démocratique des communautés locales, notamment des femmes, pour une gestion durable et inclusive.
Cette approche reconnaît l'interdépendance des ressources en eau, où pollution ou surexploitation affectent leur disponibilité, et vise à éviter le gaspillage tout en garantissant une gestion durable pour tous les usages.@docLoubier_GIRE2025.pdf
Logiques d'intervention
Pour définir des scénarios adaptés, la gestion intégrée repose sur trois logiques principales :
- Logique sans projet : maintien de la situation actuelle sans intervention spécifique.
- Logique d'adaptation : mise en œuvre de mesures pour s'ajuster aux évolutions, notamment climatiques.
- Logique de transformation : changement profond des pratiques et infrastructures pour une gestion durable et résiliente.
Ces approches permettent de construire des programmes d'actions cohérents, prenant en compte les enjeux territoriaux et les besoins futurs.@docLoubier_GIRE2025.pdf
2. Caractéristiques économiques et physiques de l'eau
L'eau présente des caractéristiques physiques et économiques uniques qui complexifient sa gestion :
- Bien rare, mobile et localisé, ce qui rend difficile son traitement par des mécanismes de marché classiques.
- Usage multiple, avec des externalités positives et négatives (ex. prélèvements excessifs en amont affectant l'aval).
- L'eau peut être un bien privé ou un bien public, avec des degrés variables de rivalité et d'exclusion.
- Elle est à la fois un bien de consommation directe (boisson, irrigation) et intermédiaire (industrie, hydroélectricité).
- La demande comprend des dimensions économiques (bénéfices d'usage, loisirs) et non économiques (biodiversité, valeurs socioculturelles).
La gestion doit donc intégrer ces spécificités pour valoriser l'eau de manière adaptée, en dehors des marchés traditionnels, et pour préserver la ressource.@docLoubier_GIRE2025.pdf
Externalités et gestion
- Les externalités négatives (pollution, surexploitation) et positives (recharge des nappes) influencent la gestion.
- La coordination politique et juridique est nécessaire, souvent via des institutions impliquant tous les acteurs.
- La gestion participative et décentralisée est recommandée pour les biens en propriété commune.
Importance de la valeur économique
Connaître la valeur économique de l'eau permet de :
- Réduire les inefficacités
- Planifier les investissements
- Mettre en place des politiques adaptées
- Définir des tarifications couvrant les coûts
- Préserver les écosystèmes et gérer les réseaux d'irrigation
En agriculture, la valeur de l'eau se calcule souvent par le revenu différentiel entre cultures irriguées et sèches, ou par le revenu par mètre cube d'eau consommé. Par exemple, un seuil de 0,50 €/m³ peut déterminer l'arrêt ou la poursuite de l'irrigation.@docLoubier_GIRE2025.pdf
3. Gestion économique de l'offre et de la demande en eau
Coûts réels de l'offre en eau
La gestion économique de l'eau intègre les coûts réels liés à son offre, comprenant :
- Coûts monétaires : personnel, énergie, capital, maintenance.
- Coûts non monétaires : dégradation environnementale, coûts d'opportunité.
La tarification doit être incitative, refléter la variabilité des coûts dans le temps et selon les volumes consommés, et intégrer le principe du pollueur-payeur. Elle doit aussi permettre la récupération des coûts financiers tout en tenant compte des subventions et du renouvellement des infrastructures.@docLoubier_GIRE2025.pdf
Gestion de la demande et tarification
La gestion de la demande vise à connaître et maîtriser les prélèvements tout en assurant l'équilibre budgétaire. La tarification joue un rôle central avec des objectifs :
- Efficience : système clair, indicateur de rareté, sensibilité de la demande au prix.
- Équité : structure tarifaire identique pour tous.
- Équilibre budgétaire : couverture des coûts prévisibles et imprévus.
Face à une hausse des prix, les agriculteurs peuvent réagir de différentes manières : réduire la consommation, modifier les cultures, arrêter l'irrigation ou recourir à des ressources alternatives. La sensibilité dépend du temps, du niveau initial des prix, du type d'usage, de la disponibilité d'alternatives et du revenu.@docLoubier_GIRE2025.pdf
4. Gestion volumétrique de l'eau en agriculture
La gestion volumétrique (GV) est une réponse aux conflits d'usage liés à la demande agricole en eau. Elle vise à limiter les prélèvements pour préserver la capacité d'autoépuration des milieux et réduire les impacts économiques et environnementaux.
Principes de la gestion volumétrique
- Attribution d'un quota d'eau à chaque exploitation, basé sur les besoins et la ressource disponible.
- Mise en place d'un calendrier d'utilisation du quota, notamment en période d'étiage.
- Application de restrictions variables selon l'état de la ressource (Débit Objectif d'Étiage - DOE).
- Contrôle des prélèvements et sanctions en cas de non-respect.
Efficacité et limites
- Réduction des volumes autorisés (ex. 12 % en 5 ans) pour lutter contre le suréquipement.
- Difficultés liées aux asymétries d'information et comportements opportunistes.
- Nécessité d'outils techniques et tarifaires pour améliorer équité et efficacité.
Cette approche permet de concilier usages agricoles et préservation des milieux aquatiques tout en limitant les coûts économiques liés à la gestion de l'eau.@docLoubier_GIRE2025.pdf
5. Calcul et estimation des besoins en eau d'irrigation
L'irrigation nécessite une analyse précise des besoins en eau des plantes, du climat et des caractéristiques du sol.
Exemple de calcul pour une culture de maïs en juillet
- Besoins totaux en eau : 152 mm
- Précipitations : 39,8 mm
- Réserve utile du sol (RFU) : 47 mm
[Formule mathématique]
Si la réserve utile n'est pas pleine, le besoin peut atteindre 112 mm.
Dimensionnement des équipements
Le choix des équipements d'irrigation dépend de :
- La fréquence des années sèches (ex. satisfaire les besoins 8 années sur 10).
- Le débit des pompes et réseaux de distribution.
- La disponibilité et la durée d'accès à l'eau (ex. 6 m³/h pendant 8 h tous les 6 jours).
Estimation selon milieux pédo-climatiques
| Région | Réserve Utile (mm) | Débit irrigation (mm/j) | Volume total (mm) |
|---|
| Alsace | 40-50 | 3,5 - 5 | 180 - 240 |
| Centre | 60 - >130 | 3 - 4,5 | 180 - 240 |
| Aquitaine | Variable (sableux) | Jusqu'à 6 | Jusqu'à 400 |
Ces données permettent d’adapter les moyens d’irrigation aux contextes locaux.@docLoubier_GIRE2025.pdf
6. Techniques d'irrigation et pilotage
Techniques d'irrigation
- Irrigation de surface : l'eau ruisselle sur le sol avant infiltration, utilisant la topographie naturelle.
- Irrigation par aspersion : simule la pluie pour éviter le ruissellement.
- Irrigation localisée : place l'eau directement au niveau des racines, limitant l'humidification de la surface.
Techniques traditionnelles
- Irrigation par submersion : nappe d'eau sur une surface plate, adaptée à la riziculture, mais pouvant provoquer tassement et asphyxie temporaire.
- Irrigation par sillons ou « à la raie » : infiltration latérale dans des rigoles bordant les cultures, économique mais susceptible de pertes par lessivage ou érosion.
- Irrigation souterraine : apport d'eau aux couches profondes, réduisant les pertes par évaporation.
Leviers de pilotage
- Utilisation de dispositifs d'information et outils d'aide à la décision (OAD).
- Pilotage avec capteurs (tensiomètres, sondes capacitives, dendromètres) pour ajuster précisément les apports.
- Méthode IRRINOV : pilotage précis pour adapter les apports aux besoins réels des cultures.
Ces techniques permettent une gestion économique, réduisant les pertes et améliorant le rendement tout en préservant la ressource.@docLoubier_GIRE2025.pdf @docLoubier_GIRE2025.pdf @docLoubier_GIRE2025.pdf
7. Leviers agronomiques, technologiques et économiques pour économiser l'eau
Leviers agronomiques
- Choix d'espèces et variétés moins consommatrices ou décalage des stades sensibles au déficit hydrique (stratégie d'esquive).
- Agriculture de conservation des sols (ACS) : améliore l'infiltration, réduit ruissellement et évaporation grâce à l'effet mulch.
Leviers technologiques
- Amélioration de l'uniformité de distribution pour éviter zones sous- ou sur-irrigées.
- Choix des périodes d'application pour limiter les pertes par évaporation (éviter irrigation entre 11h et 15h).
Leviers de pilotage
- Utilisation d'outils d'aide à la décision et capteurs pour adapter précisément les apports.
- Économies d'eau significatives, parfois supérieures à 50 % selon le système.
Points clés
- Les économies d'eau sont généralement plus faibles en années sèches.
- Le potentiel d'économies est plus élevé avec le pilotage qu'avec le simple changement de technologie.
- Les outils de pilotage restent peu utilisés, laissant de grandes marges de progrès.
- Encourager les investissements dans matériels économes et pratiques améliorées est essentiel.
- Attention, économies à la parcelle ne garantissent pas forcément des économies à l'échelle territoriale.
Ces stratégies sont cruciales face au changement climatique et à la sécheresse croissante.@docLoubier_GIRE2025.pdf
Conclusion : Points clés à retenir
- La Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) est une approche holistique, coordonnée et participative, visant à concilier besoins humains, économiques et environnementaux.
- L'eau est un bien complexe, avec des caractéristiques physiques et économiques uniques, nécessitant des méthodes de gestion adaptées.
- La gestion économique de l'eau doit intégrer les coûts réels, les externalités, et utiliser la tarification pour équilibrer offre et demande.
- La gestion volumétrique permet de limiter les prélèvements agricoles en fonction des ressources disponibles, avec contrôle et sanctions.
- Le calcul précis des besoins en eau et le dimensionnement des équipements sont essentiels pour une irrigation efficace.
- Les techniques d'irrigation, combinées à des leviers agronomiques, technologiques et de pilotage, permettent d'améliorer significativement l'efficience et d'économiser la ressource.
- Face aux défis du changement climatique, ces approches intégrées et économiques sont indispensables pour assurer une gestion durable de l'eau.
Ce panorama synthétise les concepts clés et outils pour une gestion intégrée et économique de l'eau, essentielle à la durabilité des ressources hydriques et au développement agricole responsable.@docLoubier_GIRE2025.pdf